Un, deux, trois, quatre coups de démarreur et le diesel ne part pas. J’ai du carburant mais le moteur ne part pas. C’est vrai qu’il gèle à pierre fendre, mais rien qui ne m'empêche de sortir à la pêche avec mon bateau dont j’avais purgé le réseau d’eau douce (voir notre article).
Autre cas de figure. Je démarre le diesel de mon bateau, que ce soit l’été ou l’hiver, il broute, ne prend pas de tours et finit par caler quand j’insiste sur l’accélérateur.
Troisième cas de figure, mon moteur fonctionne normalement mais il fume blanc…
Quel rapport avec ces trois cas de figure : j’ai probablement de l’eau dans le gazole…
L’air marin est chargé en humidité, avec un taux pouvant atteindre les 100%. La quantité d’humidité contenue dans l’air sous forme de vapeur d’eau est variable avec la température. C’est la loi de Mollier.
Lorsque la température d’un solide, en l'occurrence les parois d’un réservoir, vient à baisser, une partie de la vapeur d’eau se condense.
Qu’est-ce que ça a à voir avec notre histoire ?
Été comme hiver, la température varie constamment et avec elle, la teneur en humidité de l’air. Ça, c’est partout et permanent.
À l’intérieur d’un moteur diesel, un second phénomène intervient : le retour gazole
Même quand un moteur diesel fonctionne correctement, une partie de son carburant n’est pas utilisée par les injecteurs et revient au réservoir, c’est le retour gazole. Lors de son trajet autour du bloc, dans la pompe d’injection et les injecteurs, le carburant se réchauffe puis se déverse dans le réservoir.Petit à petit, la température du gazole s’élève légèrement au fil des heures d’utilisation du moteur.
A la fin de la journée, la température extérieure diminue et avec elle celle de l’air et de la surface interne des réservoirs. Un pourcentage de l’eau contenue dans l’air sous forme de vapeur va alors se condenser sur les parois froides des réservoirs et de l’eau va y apparaître…
Dernière source d’eau dans le réservoir, la nable et son tube qui mène au réservoir. L’eau peut provenir de la nable elle-même ou de l’étanchéification de sa collerette…
Mais sans que la panne ne se déclenche, on peut parfois repérer la présence d’eau dans le carburant. Cette présence caractérise la couleur blanche des fumées.
Au démarrage et le temps que le moteur chauffe, il tout a fait normal que le bateau fume blanc l’hiver. Tout est froid, la combustion est incomplète et de la condensation se forme dans l’échappement, qui va finir expulsée sous forme de gouttelettes donnant sa coloration aux fumées. La fumée “normale” est légère et peu dense.
En revanche, une fois le moteur chaud, une fumée blanche épaisse, montre la présence d’eau dans le carburant. Eau de condensation et filtre à purger sont alors une bonne nouvelle, car l’eau en question peut aussi provenir d’une défaillance d'un joint moteur provoquant le mélange de liquide de refroidissement avec le carburant. C’est un signe anormal qui doit entraîner des investigations.
Mais les motoristes ont depuis longtemps prévu des moyens d’éviter ces désagréments. Regardons en détail comment fonctionne le circuit de carburant d’un petit diesel.
Il y a d’abord la crépine d’aspiration, un tube muni ou non d’une grille plongée dans le réservoir. Cette crépine se trouve tout au fond du réservoir, une zone où s'accumulent les boues nées de la contamination du gazole (voir notre article).
Ce tube mène au filtre à gazole. Cet élément peut se composer d’un ou de deux éléments pour remplir deux fonctions.
La présence et la position de ces éléments ou de cet élément unique pouvant varier, il est utile de savoir les localiser.
Tout comme le filtre à huile retient les particules métalliques ou encore une partie des particules carbonées de grande taille issues de la combustion et passées dans l'huile par les joints partiellement défectueux, le filtre à carburant retient les impuretés et protège la pompe d’injection ou le common rail puis les injecteurs.
Ces équipements pulvérisent le carburant à forte pression 800-1500 bars et aucune particule solide ne doit y parvenir sous peine de les endommager lourdement.
Cette fonction peut être assurée par un filtre à cartouche assurant cette seule fonction pour par un filtre combiné avec un séparateur.
La question de l’eau mélangée au diesel étant bien connue pour poser problème, le filtre séparateur peut lui aussi être un appareil n’assurant que cette fonction mais il peut aussi la voire intégrée avec celle de la filtration des solides.
Dans les deux cas de figure, dans le séparateur, le carburant y est vaporisé. Plus lourd que l’eau, il monte dans le filtre tandis que l’eau se dépose dans le bol.
Une vanne de vidange, située sous le bol, permet la vidange de l’eau.
Il faut évidemment vidanger ce bol ou changer le filtre pour éviter l’accumulation d’eau à l’intérieur. Une accumulation d’eau qui peut geler jusqu’à boucher les tubulures d’entrée du carburant dans le filtre ! Et c’est peut être notre panne n°1 !
Vidanger le filtre à carburant
Pour vidanger ce filtre, il suffit de se munir d’un contenant d’½ litre et de le placer sous le filtre en question. Dévisser la vanne du bol et le laisser se vider dans votre contenant jusqu’à ce que le diesel jaune remplace l’écoulement de l’eau transparente. Il faut alors refermer cette vanne.
Mais ce n’est pas tout. En ouvrant le filtre à gazole, on y a introduit de l’air, qu’il va falloir chasser pour assurer le bon fonctionnement du circuit de carburant. On utilise pour ce faire une pompe souple montée sur la durit d'alimentation venant du réservoir ou une pompe manuelle d'amorçage montée sur le bloc moteur.
Sur le porte-filtre, on desserre le boulon de purge. C’est une sortie d’air haute.
La pompe d'amorçage permet alors de chasser avec du carburant, la faible quantité d’air entrant dans le filtre. Quand du gazole apparaît au niveau de la purge, l’air est purgé.
Sur les véhicules diesel anciens, comme sur le Defender de votre serviteur, on monte des “rad Muff” qui sont des couvertures de radiateur visant à conserver de la chaleur dans le moteur lors des cours trajets et également éviter que le contenu d’eau du filtre séparateur ne gèle sous l’effet du vent vitesse ! En période de gel, c’est peut être aussi notre panne n°1 !
En présence de températures “légèrement” négatives, il va falloir dégeler le contenu du bol ou de la partie basse du filtre double fonction.
Un sèche-cheveux fait alors parfaitement l’affaire ! Une dizaine de minutes et le gazole se remet à circuler normalement. Il faudra alors purger ce filtre, une opération qu’il est bon de réaliser en début ou en fin de saison.
En cas de températures très basses, au-delà de -20°C, le diesel, pourtant additivé à la fabrication, voit sa paraffine se figer. Ce n’est plus l’eau du séparateur mais cette sorte de cire qui se solidifie et vient le rendre inopérant. Opérer un diesel par très basses températures nécessite l’utilisation d’additifs spéciaux et idéalement d’un diesel à teneur réduite en paraffine. Pour éviter ces déconvenues, les stations proposent ce type de diesel (de type 1) à la pompe, en hiver.
Il est raisonnable de changer chaque année la cartouche de filtration, une opération à effectuer au moment de la vidange, à l’hivernage, réservoir plein. On évite ainsi la condensation dans un volume de réservoir entièrement occupé par le carburant.
La surveillance du filtre séparateur est plus subtile. Elle dépend des zones de navigation et du climat. Plus l’air est naturellement humide, plus la présence d’eau dans l’air sera accentuée et avec elle celle retrouvée dans le réservoir.
Un filtre séparateur bien placé est facile d’accès et on devrait surveiller le bol plusieurs fois par an.
Les modèles possédant un bol transparent possèdent un avantage, leur lecture est directe.
Les modèles en tôle, s’ils restent purgeables, nécessitent une purge/réamorçage pour vérifier la présence d’eau.
Maintenir de larges volumes de diesel à bord en évitant leur contamination microbienne ou aqueuse relève quasiment de la mission impossible.
Les grands yachts, ainsi que tous les navires de protection civile ou des marines militaires fonctionnant aux diesel léger (celui de nos moteurs) possèdent tous un atout dans leur manche : un fuel polishing system.
Le principe est simple. Il s’agit de “polir = polishing en anglais”, dans le sens affiner, nettoyer, une quantité de carburant puisée dans le réservoir principal et stockée dans un second réservoir, le réservoir journalier.
C’est ce dernier réservoir qui va servir à alimenter, pour une journée ou un week-end, le ou les moteurs du bateau.
C’est un système indépendant, doté de sa propre pompe de circulation, et dont les exemples les plus évolués possèdent même des témoins de colmatage des filtres.
Des systèmes plus légers, destinés aux plus petits yachts ne comportent pas de réservoir de jour mais leur pompe travaille en permanence sur le gazole du réservoir principal.
C’est le cas du Multipass Fuel Polisher de Racor, l’un des spécialistes de cette activité.
Les moteurs diesel sont des machines robustes et capables de fonctionner plus de 10.000 heures sur un navire de plaisance. Mais cette robustesse nécessite d’une part un entretien soigné et d’autre part un carburant de qualité. Pour s’assurer de sa qualité, la présence, la compréhension et l’entretien d’un système de filtration du carburant font de bons atouts.
Mieux vaut comprendre avant et maintenir préventivement que découvrir la présence d’un séparateur plein d’eau quand le bateau est en panne, offrant prise au vent, au vent d’une côte accore peu engageante !!!
