Avez-vous une idée de la quantité d’eau sale produite par un individu et par jour à bord d’un navire de plaisance ?
Elle s’évaluerait, suivant les profils, entre 30 L à bord d’un voilier économe et 60 à 80 L à bord d’un catamaran de croisière à la cabine… Multipliez par le nombre de passagers et vous aurez une idée des volumes d’eau sale produites quotidiennement…
Eaux grises
Les eaux grises sont les eaux issues des douches et des éviers. Elles sont généralement chargées en graisses et en produits de nettoyage. En théorie, et jusqu’à présent, le rejet de ces eaux n’est pas clairement réglementé pour la petite plaisance. Mais l’absence de réglementation n’interdit pas de bien faire et de procéder à leur traitement, au même titre que pour les eaux noires.
Eaux noires
Les eaux noires, ou eaux vannes, sont les eaux et les matières issues des toilettes. Ces eaux sont chargées en bactéries nocives, dont E. Coli. Le rejet de ces eaux est interdit en mer, sans traitement, en deçà de la bande des 12 NM, sauf à posséder un système de traitement spécifique. En l’absence de tels systèmes, les navires doivent posséder une cuve de rétention, à vidanger au port.
Dans les eaux intérieures, la situation varie suivant les pays.
En France, le mauvais élève, les eaux noires partent au canal. Avec des biefs sans courant, l’effet est charmant. En Allemagne ou aux Pays-Bas, de tels rejets sont interdits et poursuivis.
Avec la prolifération des textiles synthétiques, le volume de microparticules plastique qui en proviennent et sont rejetés à l’eau lors des lessives augmente fortement.
C’est un problème qui n’existe pas qu’en mer car les centrales d’épuration ne sont pas encore capables de retenir ces particules nocives pour la vie marine.
Ces produits utilisés pour le nettoyage des bateaux, pour la lessive, la vaisselle et la toilette contiennent souvent des phosphates ainsi que d‘autres composés chimiques qui, lorsqu'ils sont rejetés dans l'eau, contribuent à l'eutrophisation. Ce phénomène entraîne une prolifération d'algues, qui consomment l'oxygène dissous dans l'eau et peuvent provoquer des zones mortes où la vie aquatique disparaît.
Le législateur s’est penché sur ce sujet et les réglementation de qualité des eaux, qu’il s’agisse de la réglementation de l’annexe IV de la convention MARPOL de l’IMO ou de règlements nationaux convergent tous vers un but : le seul rejet d’eaux propres et traitées dans le milieu naturel.
C’est le cas de la DIRECTIVE 2013/53/UE du Parlement Européen du 20 novembre 2013, relative aux bateaux de plaisance et aux véhicules nautiques à moteur, qui stipule :
« Toutes les toilettes installées dans les bateaux de plaisance doivent être raccordées exclusivement à un système de cuves de rétention ou à un système de traitement des eaux usées. Les bateaux de plaisance équipés de cuves de rétention intégrées doivent être dotés d'un raccordement standard pour les eaux usées, afin de permettre le raccordement des tuyauteries des installations de rétention à la conduite d'eaux usées du bateau de plaisance. Les conduites d'évacuation des déchets humains traversant la coque doivent en outre être équipées de vannes qui peuvent être bloquées en position fermée. »
En ce qui concerna la vidange de ces cuves, il faut se référer aux réglementations pollution de l’OMI, les MARPOL.
Bien que la réglementation MARPOL ne s'applique pas aux petits navires de plaisance (seuls ceux pouvant transporter 10 passagers, au moins, doivent s’y conformer), la description des systèmes permettant de relâcher des eaux usées en deça de la bande des 300 mètres de la Directive Européenne 2013/53/UE provient de l’annexe IV de la convention MARPOL.
C’est à ce texte qu’il faut se référer pour les caractéristiques des systèmes d’assainissement des navires de plaisance.
Un texte qui renvoie à la “Recommandation sur les normes internationales relatives aux effluents et les directives sur les essais de fonctionnement des installations de traitement des eaux usées” que le Comité de la protection du milieu marin de l’Organisation a adopté par la résolution MEPC.227 de l’OMI. Une résolution qui définit trois cas de figure selon le type d’équipement de stockage ou de traitement des eaux présent à bord et qui stipule que :
Enfin, sur le plan local, les ports régissent leur fonctionnement dans leurs règlements de police qui peuvent prendre en compte ces problématiques et les adresser par des contraintes supplémentaires. Ces règlements interdisent toujours le rejet des eaux noires non traitées dans les ports.
Alors, en théorie, pas de problème, les bateaux neufs doivent être équipés d’une cuve à eaux noires depuis 2013 et des stations de pompage existent à terre. De plus, certains lieux fréquentés (Ïles d’Or à Hyères) exigent la présence d’une cuve à eaux noires sur tous les bateaux habitables au mouillage, quel que soit leur âge.
Voici pour la théorie, un monde où tout se passe toujours parfaitement bien…
Je suis sûr que vous l’avez déjà remarqué, mais, le dimanche, en fin d’après-midi, il y a beaucoup plus de monde à la pompe à essence qu’à la pompe à m - - - e.
Ce n’est pas qu’une impression, les ports de Sète comptent moins de 50 pompages par an pour 800 places, celui de Port-La Forêt en compterait moins de trente chaque année pour 1130 anneaux… Pas de chiffre pour Port Camargue et les Ports de La Rochelle qui totalisent plus de 5000 anneaux chacun.
Dans la pratique, les stations de pompage sont peu utilisées et la plupart des plaisanciers vidangent leurs cuves bien en-deçà de la bande des 12 NM, en revenant au port. Ce sont les mêmes plaisanciers qui se plaignent parfois de la qualité des eaux de baignade. Schizophrénie ?
Un bioréacteur est destiné à reçevoir toutes les eaux sales du bateau, eaux grises et eaux noires. Son volume intérieur doit être en rapport avec les volumes d’eau qui lui sont délivrés quotidiennement.
Or, suivant ces utilisateurs, ces volumes varient fortement.
Comme toutes les eaux sanitaires se retrouvent dans le bioreacteur, celui-ci doit être dimensionné en rapport. Avec un bioréacteur trop petit, les effluents finaux sont trop chargés, les filtres colmatent ou les lampes à UV sont inopérantes, face à un liquide à forte turbidité.
Les cuves à eaux noires sont des dispositifs de rétention qui ne participent pas au traitement des eaux qui y parviennent. La réglementation MARPOL interdit la vidange de ces cuves dans la bande des 12 NM des côtes.
La marine professionnelle est contrainte à peser ses déchets et résidus finaux et à en tenir la compatibilité tandis que la plaisance est soumise à une règle très peu appliquée.
En pratique, il existe deux types d’appareils :
Les appareils de traitement par broyage et désinfection (Comminuting and disinfecting equipment) autorisé au-delà de 3 NM. Les appareils concernés sont des Marine Sanitation Devices de type 1 comme Raritan Electroscan.
Ce sont des appareils qui broient grossièrement le contenu des cuves avant de les mélanger à du chlore et de les rejeter à l’eau. L’Electroscan de l’image en illustration produit le chlore à partir de l'électrolyse de l’eau de mer.
Le rejet des eaux ainsi traitées ne doit pas se faire avant 3 NM des côtes.
Les Sewage Treatment Plants ou Marine Sanitation Devices de type 2.
Ces appareils sont des bioréacteurs qui dégradent, comme un fosse septique, les matières avant de ne relâcher que des effluents propres qui répondent à des critères précis définis par l’OMI à travers la réglementation MARPOL.
Seuls une poignée d’appareils sont réputés répondre à cette réglementation.
Il s’agit de bioréacteur ou de l’oxygène est apportée aux eaux sales (grises et noires) pour accélérer les processus de dégradation enzymatiques provoqués à l'intérieur de ses cuves.
A la sortie, un liquide clair, qui passe dans un filtre ou est désinfecté par un produit ou une lampe à UV.
Ces appareils sont encombrants et les plus petits, comme les Enteron que nous allons voir plus bas, représentent une emprise de 1500x600x650 mm ce qui est loin d’être facile à monter sur un navire de plaisance en refit. Ce sont les chantiers qui devraient s’engager sur ces systèmes en faisant réaliser, en série, de tels bioréacteurs dans un form-factor permettant leur intégration aisée.
Ils diffèrent par leur dimensionnement et par le traitement final des eaux et les problèmes de maintenance qu’ils impliquent.
Il y a trois familles de bioréacteurs selon le traitement final de leurs effluents :
Ces cuves toutes-eaux recueillent les eaux noires et grises avant de les traiter par un apport d’oxygène pour favoriser oxydation et prolifération bactérienne.
A la fin, toutes les eaux sont filtrées. Je ne connais pas les résultats de cette innovation chez Bali mais je pense que les systèmes à filtres sont à éviter. Leur colmatage est difficile à prévoir, la disponibilité des filtres neufs délicate et leur nettoyage malaisé.
Le fabricant Allemand Tom Logisch a développé un STP, Enteron, installé sur plus de 300 navires de plaisance dont la moitié de houseboats.
L’appareil existe en deux petites tailles, et convient aux navires à consommation d’eau réduite, comme les propriétaires de voiliers.
Les cuves de Tom Logisch en standard sont conçues pour 100 et 160 L d’eau à traiter par jour.
La société construit aussi des systèmes à plus forte capacité.
Enteron n’utilise pas de filtration. Une lampe led à UV désinfecte les effluents.
Ces appareils sont plus volumineux que les autres car ils optimisent la “digestion” enzymatique des matières organiques des eaux usées. A la fin, les effluents passent dans un second réservoir ou ils sont mélangés avec un désinfectant.
La plupart des systèmes comme le Skimoil TheTankMSD emploient un désinfectant à base de chlore dont le rejets sous forme non dégradée doivent être très faibles.
Une autre génération d’appareils utilise un désinfectant plus neutre.
L’acide peracétique se dégrade en trois composants inoffensifs pour l’environnement : acide acétique (vinaigre), oxygène et eau. Ce sont les MarineFAST dont des milliers de systèmes sont en service sur des navires de toutes tailles. Ces appareils existent également dans des form-factors adaptés à la plaisance.
Les bioréacteurs à désinfection ne comportent ni filtres ni pièces en mouvement. Ce sont probablement les systèmes les plus aisés à utiliser et à maintenir.
La protection au gel doit être prise en compte si les bateaux sont utilisés l’hiver et non pas vidangés.
Cette protection peut être réalisée dans une coque par l’installation d’un radiateur hydronique ou d’une bouche de chauffage à air et d’une sonde de température asservissant le chauffage en mode hors-gel.
Lors d’un montage en extérieur, un dispositif de protection électrique (résistance chauffante) doit être installé dans la cuve pour assurer la protection contre le gel.
L’utilisation de toilettes à compost implique qu’il faudra se débarrasser, à terre, des résidus à fins de compostage.
Une solution peu pratique au quotidien et dont la mise en œuvre réglementaire pose problème.
En effet, les résidus devraient être composés sur une aire équipées d’une étanchéité et d’un drainage spécifique.
Un système intéressant dès que le gaz est présent à bord du bateau. Ces toilettes carbonisent tout ce qui s’y trouve. Il ne reste que ces cendres inertes dans un cendrier que l’on peut vider à l’eau ou à terre.
Le Norvégien Cinderella est le spécialiste de ces objets.
Le droit de se baigner dans des eaux propres implique le devoir de se soucier du traitement de ses eaux sales.
Si vous ne disposez pas de la place nécessaire à l’installation d’un bioréacteur (et ils sont encombrants) la moindre des choses sera de vidanger ses cuves à eaux noires au port ou au-delà de la bande des 8 NM.
Il appartiendrait aux chantiers d’intégrer ces solutions à leurs catalogues. Mais, sans la pression de la demande, de la réglementation ou des forces de l’ordre, ils n’ont que peu de goût à se pencher sur des sujets aussi difficiles à marketer avec élégance !