L'osmose est un phénomène qui peut toucher les constructions composites lorsque leur étanchéité a été compromise et lors de longs séjours à l'eau.
C'est un phénomène très sérieux, dont les dommages entraînent souvent de très longues et coûteuses réparations quand ce n'est pas la mise au rebut du navire en question.
Le bateau de vos rêves présente des cloques sur sa coque en composite polyester fibre de verre. Est-ce vraiment un drame, quels sont les travaux à entreprendre en prévention et en cure, comment les réaliser et à quel coût cela revient-il ?
La pression osmotique est un mécanisme naturel présent au cœur du vivant. C’est elle qui maintient l’équilibre hydrique dans le sang et le corps humain.
C’est la force exercée par un solvant (l’eau, dans le cas qui intéresse les bateaux) qui s’exerce sur une membrane pour équilibrer les concentrations moléculaires de part et d'autre de cette dernière.
L'eau réagit avec certains composants solubles de la résine pour former de l'acide acétique par hydrolyse. Cette solution est plus concentrée que l’eau présente dans les fonds ou déjà introduite dans le composite.
La différence de concentration entre l'intérieur et l'extérieur de la coque (qui joue le rôle de membrane) fait naître une pression osmotique qui reproduit et accentue le phénomène.
L’osmose, un phénomène chimique qui concerne surtout les bateaux anciens
Ce phénomène apparaît principalement sur les coques composites anciennes, d’avant 1985.
Jusqu’au milieu des annés 1980, les constructeurs fabriquaient des coques dites “épaisses”.
On projetait de la fibre de verre au pistolet, noyée dans une résine polyester.
Avec le recul, nous savons que cette dernière ne constitue pas une barrière étanche à l’eau.
De plus, durant la projection de mat de verre, la résine étant “tartinée” entre chaque passe de projection, sa distribution ne s’effectuait pas de manière homogène, laissant des lacunes entre les fibres. Ces manques créent alors de minuscules canaux dans des faisceaux de fibres orientées dans une direction identique.
Cette technique, désormais abandonnée, permettait la formation de bulles d’air dans ces poches. C’est au sein de ces vides que s’accumule l’eau et les produits de sa réaction avec la résine. Cette accumulation entraînant, avec le temps, une délamination du composite fibres-résine.
Mais les coques récentes peuvent être, elles-aussi, sujettes à l’osmose.
C’est notamment le cas des coques réalisées en infusion sous-vide qui n’auraient pas été totalement imprégnées de résine lors de la fabrication.
Ces défauts, dès qu'elles sont exposés à un défaut l’étanchéité du gel coat, se comportent de la même manière que les défauts des anciennes coques stratifiées au contact.
Au niveau des défauts, les faisceaux ne sont pas intégralement imprégnés de résine.
Cette absence d’étanchéité conduit, par réaction osmotique, à l’aspiration de l’eau au travers du gel coat abîmé.
Manquant d’oxygène, l’eau s’acidifie et attaque le polyester tout en donnant naissance à de petites quantités de gaz qui vont déclencher la formation de cloques.
Ces cloques vont bientôt se remplir d’un liquide de réaction.
Eaux saumâtres et fortes épaisseurs de coques favorisent le processus.
Le phénomène peut tout aussi bien se produire de l’intérieur, sur une coque non revêtue de gel coat, en présence de fonds toujours mouillés.
Des cas beaucoup plus rares concernent ces coques composites mises à l’eau sans gel coat ou revêtues d’un gel coat poreux, de mauvaise qualité. Dans ces derniers cas, gaz et produits de réaction passent directement dans l’eau, sans formation de cloques.
Le seul symptôme détectable reste la délamination, signe d’un degré déjà avancé de dégradation.
Lors de la réaction d’osmose, les gaz et produits de réaction créent des cloques sur le gel coat. Leur taille est comprise entre 2mm et une quinzaine de centimètres de diamètre.
Quelques cloques ne constituent pas un signe de délabrement avancé mais annoncent une dégradation de la coque en cours.
Dans les cas les plus graves, la pression sur une cloque en fait réagir une autre…
Une pression sur certaines de ces cloques fait affleurer un liquide à l’odeur vinaigrée, l’acide acétique, moteur de la délamination du polyester.
Il arrive que le contenu de la cloque ne dégage pas d’odeur de vinaigre, un test à la bande pH s’impose alors.
En effet, la réaction d’osmose produit presque toujours de l’acide.
La cohabitation de certains antifoulings avec un gel coat non compatible peut générer une réaction entre les deux, inoffensive pour la coque.
La perméabilité des produits utilisés en construction composite (bleu=résines isophtaliques/polyester, bleu clair gel coats et vert epoxy).
Dans un composite fibre de verre, on utilise généralement une résine isophtalique. Ces résines ne sont pas étanches. Elles sont choisies par rapport aux résines époxy, étanches, pour leur prix plus faible et pour leur durée de durcissement nettement plus réduite.
Les résines époxy, en revanche, sont étanches.
Ces appareils permettent de détecter la présence d’humidité mais des précautions sont à prendre dans l'interprétation de leurs résultats.
Impossible, sans mesures invasives, de localiser la position de l'humidité dans le composite.
Se trouve-t-elle sous l’antifouling, sous le gel coat, ou dans le composite ?
De plus, de telles mesures nécessitent d'étudier une coque sèche et propre pour ne pas fausser la mesure.
Propre car le sel, présent sur les coques (hydrophile) retient de l’humidité et fausse les mesures. Il est souhaitable de laisser sécher les coques à l’air sec pendant un bon mois pour se débarrasser de l'humidité de surface.
Certains appareils comme les Tramex nécessitent de peler le composite ou d’effectuer de petits trous pour effectuer une mesure et d'autres, comme le Sovereign, permettent une mesure à travers le gelcoat et l’antifouling.
On lit et entend beaucoup de choses à propos des traitements de l’osmose.
Ces traitements recouvrent différents cas de figure selon la profondeur des tissus touchés. Une osmose superficielle ne nécessitera pas les mêmes moyens qu’une osmose plus profonde ayant touché plusieurs épaisseurs de tissus de verre.
Traiter préventivement une coque polyester contre l’osmose consiste à déposer antifouling et gelcoats par ponçage, sécher la coque puis réaliser une barrière étanche et refaire un gelcoat et un antifouling.
Dans les traitements curatifs, les actions visant à faire disparaître les cloques vont creuser la coque rendant indispensable de fastidieuses opérations de mastiquage, lissage puis ponçage de la coque et pose d’un nouvel antifouling.
Pour décaper ces produits, mettre la coque composite à nu et lui permettre de sécher, certains chantiers procèdent par sablage.
Sablage à sec ou humide, l’opération demande un certain doigté de la part de l’opérateur qui doit insister sur les zones touchées (les “chancres”) mais pas trop pour ne pas accentuer la surface des zones à enduire lors des réparations.
On ne parle pas de kits à monter sur un nettoyeur haute pression mais de sableuses pneumatiques montées sur des compresseurs, du matériel lourd.
Le sablage crée des creux et des bosses qu’il faudra enduire au mastic.
Ici, on utilise un rabot électrique tenu à bout de bras. Il existe de petits rabots spéciaux ou certains travaillent au rabot électrique à bois. C’est alors une opération réservée aux costauds car on travaille l’outil au-dessus de soi et ces rabots sont lourds.
Le rabotage crée de la poussière mais offre l'avantage de générer une surface plus plane que le sablage.
En revanche, le rabot enlève la même quantité de matière à chaque passe, il est difficile de traiter les “chancres” localisés avec cet outil.
Cette méthode en plus d’être longue et fastidieuse produit énormément de poussière toxique. D’autre part le risque d’attaque trop profondément la coque est bien réel et pour finir, il faudra un sablage pour éliminer les chancres plus profonds.
On profite des avantages des deux techniques : aspect assez lisse pour le rabotage et profondeur d’action sur les chancres du sablage. Ainsi, les volumes de mastic époxy à mettre en œuvre sont réduits comparativement au sablage pur.
La neutralisation de l’acide acétique
Un simple rinçage à l’eau ne garantit pas la disparition de l’acide acétique de la coque. Il faut le neutraliser avec une solution alcaline pour neutraliser l’acide. Les mastics de résines époxy détestent l’acidité.
Que vous caréniez en Corse, sur la côte d’Azur, dans le Finistère ou en Normandie, les conditions météorologiques influent fortement sur le séchage des coques.
Parfaitement indiqué dans le midi de la France, plus que la chaleur, c’est le vent et les périodes de mistral qui agissent très favorablement sur le séchage des coques. 4 à 6 mois de séchage à l’air, gelcoat pelé, permettront à la coque de sécher en profondeur.
Attention aux vidanges des cockpits qu’il faut canaliser pour éviter qu’elles ne mouillent la coque et aux autres points sensibles de ce genre.
En utilisant ces appareils, on exploite la loi de Mollier relative à l’humidité de l’air. Plus un air est chaud et plus il est capable d’emmagasiner de l’eau sous forme de vapeur. Dans notre cas, l'humidité de la coque va passer dans l’air dont la capacité à s’en charger augmente avec la température.
En atelier et sous une bâche, attention à ne pas trop élever la température au risque de détériorer le matériau à sécher. Le bâchage du sol sous le bateau limite les remontées d’humidité du sol et augmente, à moindre coût, l’efficacité du séchage.
Lors du séchage sous bâche, l’utilisation de 6 à 8 absorbeurs d’humidité, simultanément avec un chauffage à air pulsé, va abaisser l’humidité de l’air et accentuer la capacité de ce dernier à se charger en humidité en provenance de la coque.
On utilise ici des patches chauffants plaqués sur la coque refermant un matériau absorbant puis une pompe à vide qui tend à extraire l’humidité de la coque et la transférer dans le média absorbant.
Ils extraient des composés chimiques que le séchage à l’air ne parvient pas à faire disparaître (acides et glycols).
Leur avantage principal tient dans la grande vitesse de séchage, de l’ordre de la dizaine de jours.
Une fois les cloques et autres chancres éliminés, la coque séchée et nettoyée, il faudra, suivant les cas, enduire de mastic époxy à lisser, renforcé ou non de tissu tissé de verre, les endroits touchés pour leur redonner un galbe uniforme.
Plusieurs passes de mastic suivies de ponçage à la ponceuse orbitale seront nécessaires pour retrouver une forme parfaite.
Dans les opérations dites “préventives”, on aura juste poncé le gel coat sans endommager la surface, ainsi ces opérations de mastiquage n’auront pas lieu d’être.
Une fois l’aspect satisfaisant de la coque retrouvé par application et ponçage de mastic époxy, vient le moment de la reconstruction de la barrière étanche.
Celle-ci sera composée de primaires et de résines époxy uniquement.
Seuls ces produits conservent une dizaine d’années leur propriété d’étanchéité sur les coques polyester.
Comptez au moins deux passes pour constituer cette barrière de manière efficace.
Pour éviter l’apparition d’osmose il faut maintenir en bon état la barrière d’étanchéité. Cela signifie réparer les impacts sans tarder. Toute éraflure à la profondeur du gel coat doit être avec une barrière étanche époxy.
Le fait de recouvrir les éraflures profondes avec de l’antifouling, ne constitue pas une barrière étanche.
La manière d’hiverner le bateau constitue un autre moyen de lutter contre l’osmose.
La coque sèche plus facilement, le taux d'humidité dans l’air est plus faible que quand un bateau reste à l'eau, les réparations sont plus facile à faire et le temps dont on dispose n’est pas contraint par les délais d’utilisation du terre-plein de mise à l’eau.
L’hivernage à sec compte beaucoup d’avantages.